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Jean-Luc Lacroix 

...ou l’art qui répare

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Interview de Véronique Kadri, Galerie Maison Dauphine & maison d'hôtes, Aix-en-Provence

On reconnaît un authentique créateur, parce que son style, sa marque, sa signature sont une réécriture permanente de son histoire et des faits marquants de sa vie.
 
Jean-Luc Lacroix est un poète qui aime à déjouer la rime : serrure avec sculpture, poulie et broderie, roue clou écrou verrou… bijou !
 
Sculpteur et créateur de mobilier en Récup’Art, il offre à d’anciens outils, ustensiles ou autres rouages la chance d’une vie plus belle, une retraite contemplative.
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Son talent dans l’art de la récupération et son imagination dans la reconstruction créative sont sans limites. Une chaise ou une console au design ciselé confère au plateau d’un pédalier l’élégance d’une dentelle, une sellette comme un petit guéridon fait la part belle aux poulies et manivelles…

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Mais l’évocation de son travail serait incomplète si l’on ne soulignait l’humour qui traverse chaque pièce : tout un bestiaire fantasmagorique ou réaliste égaye son œuvre, ainsi qu’une communauté de bipèdes aux noms aussi évocateurs que « Gueule d’égout », « Urlub » ou « Brutus ».

 

La récup’ est dans l’air du temps, mais ce n’est pas l’affaire de Jean-Luc Lacroix. C’est d’abord une histoire de famille, il est tombé dedans quand il était petit. Le grand-père était un « récupérateur » de métier, à une époque où l’on était à la fois ferrailleur, casseur, brocanteur et antiquaire. Il avait aussi été maréchal-ferrant. C’est donc tout jeune que l’artiste fut en contact avec la ferraille, les arts du feu et les grands brasiers où l’aïeul jetait tout un bric-à-brac devenu inutile.

 

Il trouve sa matière première aussi bien en visitant puces et brocantes qu’au milieu d’un ancien brasier au détour d’une balade en forêt. Mais la récup’ n’a de sens que grâce à la totale transformation qui s’opère au cœur de l’atelier : meubles et sculptures reçoivent des soins et finitions qui font totalement oublier l’état crasseux et souillé du matériau original : roues, carcasse de voitures brûlées, débris d’acier, d’aluminium, de laiton ou même de bois trouvent une nouvelle raison d’être. À terme, chaque œuvre peut être touchée, caressée, manipulée comme le plus inoffensif des objets, alors même qu’elle n’est souvent au départ qu’un immonde rebut.

 

Au fond Jean-Luc Lacroix est un Baudelaire du feu : il a ce don de voir derrière les articles les plus communs ou triviaux, sous la patine du temps ou de la saleté, la promesse d’une œuvre équilibrée et harmonieuse. L’une des revendications du poète cité fut d’extraire la beauté de ce que la vie a de plus médiocre, insignifiant ou même vulgaire, à une époque où la poésie semblait avoir épuisé les plus nobles sujets. À l’instar de ce maître, point de bronze ou de marbre pour l’artiste, mais la recherche d’une transmutation de l’objet et de la matière, une alchimie du réel.

 

 

Josépha, sculpture de Jean-Luc Lacroix
Ses premières démarches créatives
remontent à l’adolescence : sa santé
fragile en fait un sédentaire, davantage
dans le penser que dans le faire, dans la
réflexion que dans l’action. Il peint et
dessine, pour lui, puis pour d’autres…
Il devient graphiste et illustrateur,
notamment dans le domaine du
fantastique.


Il découvre dans les années 80 un

univers pictural plutôt restreint, c’est une peinture d’illustration qui ne trouve sa place ailleurs que dans son propre milieu. Il travaille sans cesse, sur des projets clients la journée, sur ses créations personnelles la nuit.

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Il s’intéresse aussi à la sculpture et à l’agencement des volumes, tout d’abord avec la terre cuite, mais très vite il est insatisfait et limité. Il souhaite faire plus grand et plus complexe. Il devient alors acteur d’une aventure collective qui s’avère déterminante.

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Ils sont trois sculpteurs et créent pour des collectivités publiques ou des particuliers plusieurs sculptures d’acier monumentales, dont une de près de 6 mètres de hauteur. C’est un travail qui allie précision et rythme  et au cours duquel il affine son savoir-faire, dans la préparation des croquis puis dans les réalisations finales. Le collectif fait long feu et pour finir il est utile à la progression de l’artiste solitaire.

 

Aujourd’hui, lorsqu’on demande à Jean-Luc Lacroix ce que la création de ses sculptures lui apporte, il répond que c’est sa vie, qu’il ne saurait faire autre chose, qu’il y pense jour et nuit. Il alterne ou cumule les différentes étapes du processus créatif. La gestation d’un projet est de loin ce qui l’occupe le plus : réalisation de croquis, investigations pour la mise en forme des pièces ou le contournement des obstacles, c’est une cogitation permanente qui ne s’apaise qu’au moment où tous les éléments sont réunis pour que commence le pur travail de la technique : le plus souvent, tout a été pensé en amont, et la fabrication de la sculpture, assez rapide, est un moment de pause cérébrale, ou presque

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Lorsqu’on admire une sculpture de Jean-Luc Lacroix, on identifie immédiatement un objet, un personnage, un animal, on est touché par la bienveillance qu’il lui offre, on sourit au souffle symbolique ou humoristique qui l’anime et  qu’on a reconnu. Enfin, on est heureux de partager avec lui ce que lui ont inspiré ces objets que l’on a si souvent croisés

MAJOR, 50cm, acier soudé patiné

L’artiste vend à l’hôtel Drouot (Paris) avec l’étude Tessier & Sarrou aux "Créations contemporaines"

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